REPRODUCTION DES IMAGES
Auteur Pierre Glafkidès
Physique et chimie photographique
Edition Paul Montel – 1967
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Papiers photographiques
Les papiers photographiques portent des émulsions lentes constituées soit par du bromure, soit par du chlorobromure, soit par du chlorure d’argent.
Les papiers au bromure sont utilisés surtout pour la reproduction des grands formats et les travaux industriels. Les papiers au chlorobromure donnent des tons chauds et servent de ce fait aux portraitistes. Quant aux papiers chlorures, leur principal emploi est le tirage des clichés d’amateurs.
La gélatine des papiers à surface brillante est tannée à fond pour supporter le glaçage à chaud. La couche d’émulsion étant relativement mince, le développement est poursuivi jusqu’au ɣ∞, de façon à obtenir le noir maximum.
La latitude de pose des papiers photographiques est très réduite, cela d’autant plus que l’émulsion est plus contrastée : l’image positive empiète presque toujours sur les régions extrêmes du négatif. On considère qu’en général un portrait doit être rendu pour un écart de luminances Δ log E : 2,2, et une scène d’extérieur pour Δ log E : 2,7. Comme la courbe de noircissement du papier n’est pas partout rectiligne, le contraste sera toujours plus faible dans les lumières et dans les ombres ; il n’y a donc jamais de relation linéaire entre les densités de l’épreuve et les luminances de la scène. Mais la qualité artistique ne correspond pas nécessairement à la fidélité sensitométrique. La traduction se complique d’ailleurs quand le négatif présente une longue région de sous-exposition, ce qui est souvent le cas avec les émulsions actuelles. Malgré les affirmations de certains auteurs, en faveur de celles-ci, il est certain que, dans la majorité des cas, les négatifs dont la courbe de noircissement a un pied court fournissent les meilleures épreuves positives.
Tirage des papiers
Il se fait, comme chacun sait, par contact ou par voie optique dans un agrandisseur. L’uniformité de la pression dans le cas du contact, la qualité de l’objectif et la perfection de la mise au point dans le cas de l’agrandissement, le type de lumière, dirigée ou diffusée, sont des facteurs qui influent considérablement sur les résultats obtenus.
La densité d’une zone reproduite est plus faible quand l’image est à son maximum de netteté, que lorsque le grain n’est pas apparent par suite de diffusion. Aussi, toute déformation même minime du cliché, toute poussière présente entre le négatif et le positif, risquent, par déplacement de l’image, de produire un léger flou local qui se traduit par des taches plus sombres, produisant un effet de trame. Cet effet, qui a été étudié par Altman et Peden, est surtout observé dans les tireuses et les agrandisseurs de haute précision (6)
Le support
Le papier support existe en :
- deux forces : papier 135 g et carton 230 à 250 g
- deux couleurs: blanc et ivoire (ou chamois, ou crème)
- trois surfaces : brillant, semi-mat, mat ;
- quatre aspects physiques : uni, à grain, tissu, velours.
Le papier se déforme par mouillage et séchage. Si celui-ci est naturel, il se produit une contraction, inférieure à 0,5 %. Le séchage sur tambour chauffé provoque au contraire une expansion, supérieure à ce chiffre. La déformation est anisotrope, c’est-à-dire inégale dans les deux sens ; elle est surtout appréciable dans le séchage sur machine où l’expansion est plus forte dans le sens transversal. L’anisotropie est encore plus marquée par glaçage à chaud. Des variations continuent à se produire pendant les jours qui suivent le séchage.
Le support blanc est toujours légèrement teinté : la dominante peut être rose, bleue ou jaune. On augmente leur luminosité par des azurants optiques fluorescents. On l’aperçoit facilement en observant l’intérieur du papier roulé en cylindre. Souvent le colorant sert à masquer la teinte grisâtre de la pâte. Les papiers ivoire sont soit colorés dans la masse, soit teintés superficiellement.
Sensibilité
Les papiers au bromure sont relativement sensibles ; environ 100 fois moins qu’une émulsion négative rapide. Les papiers au chlorobromure orthochromatisés ne sont que moitié moins sensibles que ceux au bromure ; non chromatisés ils sont cinq à dix fois moins sensibles. Quant à la rapidité des papiers chlorure (gaslight) elle est beaucoup plus faible : en moyenne, elle est 100 fois moindre que celle d’un bromure. Le tirage se fait alors avec des lampes puissantes.
En unité H D, on aurait les nombres comparatifs suivants (ordre de grandeurs) :
Émulsions négatives ultra-rapides non ortho | 1 000 |
Émulsions négatives pour arts graphiques | 120 |
Micro-films ortho | 60 |
Emulsions pour reproduction de traits | 18 |
Papier bromure norma | 10 |
Papier chlorobromure ortho | 3 à 5 |
Papier chlorobromure non ortho | 1 à 2 |
Papier chlorure | 0,1 |
La rapidité (ou sensibilité) d’un papier photographique dépend de la facilité avec laquelle il donne le noir maximum utile, qui, pour les surfaces brillantes peut être fixé à 1,5 et pour les surfaces mates à 1,15. Si pour deux papiers différents, il faut 8 à 4 s pour obtenir le noir maximum, le deuxième est deux fois plus sensible que le premier.
D’après la Lilienthal Gesellschaft, la rapidité a été fixée par la formule :
S = 10 000/E
où E est l’éclairement nécessaire pour obtenir D = 0,8.
Dans la norme ASA, qui utilise la même formule, la densité utile est déterminée par un point supérieur de la courbe tel que la pente en ce point soit 10 fois plus élevée que celle d’un point inférieur expérimentalement trouvé. Pour ce qui est des luminations nécessaires, relatives aux papiers des diverses gradations, elles sont généralement d’autant plus fortes que le contraste est plus élevé. Par exemple, avec une série de papiers bromure Kodabrom, on trouve les expositions relatives suivantes : doux 1, normal 1,6, contraste 2,5, extra-contraste 4,5, super-contraste 8
Noir maximum
Nous avons dit que le noir maximum utile d’un papier brillant est 1,5 et celui d’un papier mat 1,15. Cependant le noir maximum limite (ou absolu) peut atteindre 1,65 à 1,70 dans un papier bromure, 1,75 à 1,85 dans un papier chlorure. Il dépend principalement de la structure du grain d’argent et de l’épaisseur de la couche. La densité limite d’un papier mat atteint généralement 1,3 ; celle des papiers semi-mats ont des valeurs intermédiaires.
Un papier pauvre en argent ou n’en contenant que la quantité juste nécessaire donnera facilement des images grises, paraissant manquer de contraste, par suite de l’absence de noirs francs. Si le papier ne contient en fabrication que juste la quantité d’argent, une petite irrégularité d’étendage de la couche provoquera une déficience, visible au développement.
Forme de la courbe de noircissement
Les papiers photographiques présentent une courbe de noircissement en forme de S (fig. 142) très analogue à celle des émulsions négatives. Généralement il existe une région centrale rectiligne bien nettement définie et prépondérante. La longueur du pied ainsi que sa courbure varient d’un type à un autre et même d’un 0.5 lot à un autre du même type, ce que traduit la présence éventuelle d’une traînée de noircissement (ou queue). Sur plusieurs milliers de papiers examinés par l’auteur il n’y a eu que deux qui aient présenté une courbe avec région rectiligne mal définie. De toute évidence, contrairement à l’opinion malheureusement répandue, la partie rectiligne de la courbe d’un papier est caractéristique et constitue même son critère principal.
Gradation des papiers
Bien qu’on puisse caractériser le contraste visuel susceptible d’être donné par un papier, à l’aide d’une fonction mathématique (7) contenant des fréquences spatiales variables, la gradation d’un papier est classiquement déterminée par l’étendue utile des luminosités enregistrées entre deux points de la courbe de noircissement situés au pied et au sommet de cette courbe, et correspondant à des pentes de 0,2 qui lui sont tangentes. Plus l’intervalle des luminosités est restreint, plus le papier doit donner (en principe) des images vigoureuses. On admet qu’une émulsion bromure normale a une gradation d’environ 1,1 à 1,2 ; une émulsion douce 1,3 à 1,5, et une émulsion dure 0,8 à 0,5.
Si on considère la courbe de noircissement d’un papier, d’une part dans son évolution par rapport à la durée de développement, d’autre part par rapport aux autres gradations de la même série, on constate ceci :
- L’image atteint rapidement son contraste maximum notamment pour les chlorures pour lesquels il se produit seulement une translation de la courbe vers les faibles luminations, signifiant une augmentation de sensibilité, c’est-à-dire une plus grande densité générale. La facilité avec laquelle un papier chlorure rattrape un manque de pose est souvent appréciée des tireurs (8) (fig. 143).
- Dans l’ensemble de la série de gradations différentes on peut inscrire la courbe caractéristique d’une émulsion en ramenant toutes les courbes au même point de noir maximum (fig. 144).
On obtient un résultat visuel correspondant à cet ensemble de courbe, par l’assemblage des sensitogrammes des papiers de gradations différentes à la façon de la figure 145. On constate que l’étendue utile d’un papier peut être jugée du premier coup d’oeil, et qu’il suffit de compter le nombre de plages s’intercalant entre le blanc et le noir maximum. Cependant pour évaluer le contraste réel, il faut considérer seulement la partie centrale des sensitogrammes s’étendant, au plus, sur les 3/4 de la longueur totale.
Dans le système ASA élaboré par Jones et Nelson (9), on prend deux points P et Q, respectivement sur le pied et sur le haut de la courbe, tels que la pente de la corde qui les joint (tg PQ) ait une valeur égale à 10 fois celle de la tangente inférieure passant le point : tg PQ = 10 tg P (voir Fig. 142)
La distance pq, où q est le pied de la perpendiculaire, abaissée de Q sur l’horizontale, mesure la gradation. Qq est intervalle des densités utiles.
La tangente PQ peut être trouvée par la méthode de W. Swift (10) qui utilise le pivotement de deux bras solidaires, ou à l’aide de l’appareil de Morisson (11).
La détermination de la gradation par les méthodes à pentes privilégiées présente deux graves inconvénients : elle n’est nullement reproductible, et elle ne représente pas le caractère réel du papier. Elle n’est pas reproductible car il est pratiquement impossible de déterminer avec précision l’emplacement d’un point de pente aussi faible que 0,1 à 0,2 d’une émulsion (12) dont le pied de courbe (c’est-à-dire l’échelle des faibles densités) est éminemment variable avec les moindres modifications accidentelles du mode opératoire et des conditions de conservation. Un simple calcul montre, de plus, qu’il suffit de l’épaisseur d’un trait de crayon sur le dessin d’une courbe pour changer la gradation. Quiconque a la pratique de la préparation des émulsions photographiques sait combien leurs propriétés sont mouvantes et que chercher la précision dans ce qu’elles ont de plus insaisissable est illusoire.
Même si la détermination de la gradation par la recherche de faibles pentes sur le pied d’une courbe n’était pas sujette à de grossières erreurs, on pourrait affirmer que le nombre trouvé n’est pas représentatif du caractère du papier étudié. L’auteur a pu préparer des émulsions positives douces, normales et dures qui possédaient cependant le même intervalle de luminations extrêmes, ayant donc apparemment la même gradation.
Nous avons déjà dit que la plupart des émulsions papier ont une courbe de noircissement dont la région rectiligne est nettement marquée. C’est donc le contraste, ou pente de la région centrale, qui est important à connaître pour déterminer la classification. Cela ne dispense pas d’ailleurs de rechercher si la forme et la longueur du pied de la courbe sont en harmonie avec le ɣ. Le pied de la courbe d’un papier peut varier considérablement d’une fabrication à une autre (pour un même type), d’un jour à un autre, d’un traitement à un autre, alors que le contraste de la pente principale reste relativement plus stable.
Contrastes apparents des différentes gradations de papier (lus au même densitomètre).
Doux | Normal | Vigoureux | Dur | Ext. dur | |
Bromure brillant | 1,5 | 2 | 3 | 4 | 5 |
Bromure mat | 1,2 | 1,6 | 2,5 | 3,2 | 4 |
Chlorure brillant | 2 | 3 | 4 | 5,5 | 7 |
La Deutsche Lilienthal Gesellschaft a proposé comme pente moyenne, le ɣ de la corde joignant les points de D : 0,3 et 1,55 (1,3 pour les papiers non brillants) et comme étendue utile la différence des abscisses des points correspondant aux D : 0,03 et 1,55 (ou 1,3).
Une autre proposition, pour caractériser les papiers photographiques a été faite par l’Institut Photographique du Collège Technique de Dresde (13). C’est une simplification d’une méthode due à Goldberg qui consiste à impressionner le papier sous un coin associé à une feuille dite “de détails“ et constituée par un damier dont la densité augmente d’une rangée à l’autre dans un seul sens. La nouvelle feuille de détails a un contraste de 0,7. On cherche quelles sont les densités minimum et maximum sous lesquelles la forme carrée du damier apparaît toujours nettement : l’étendue utile est 10 fois la différence de ces densités.
Norme ASA des papiers photographiques, Z 38 du 2-3-1947. L’échantillon étant en équilibre avec une atmosphère à 20°± 5 et humidité relative 50± 5 %, est exposé dans un sensitomètre non intermittent à éclairement variable, pendant 4 à 8 s.
La variation de l’éclairement d’une plage à la suivante ne doit pas dépasser 3V /2. La lampe à filament de tungstène a une répartition spectrale correspondant à :
Tc = 2 850 ± 15 °K.
Le papier exposé est développé avant un délai de 2 h dans le révélateur suivant, dilué au moment de l’emploi, de 2 parties d’eau.
Mesure des densités en lumière diffuse. Pour les surfaces particulières, effectuer deux lectures, la deuxième après rotation de 90° autour de l’axe de vision. Faire la moyenne.
Courbe : Déterminer P et Q tels que la pente de la tangente P soit le 1/10 de la pente de la corde PQ :
S = 104 / Eq
La norme Z 38 a été modifiée en certains points par la norme ASA PH 2-2-1953. On détermine figure 145 bis le point a de densité 0,02, puis applique un calque portant des traits parallèles obliques espacés de 0,05 unités.
Celui de droite étant tangent au pied de la courbe le trait de gauche doit être tangent à la courbure supérieure, en d. La différence log Ed —log Ea mesure de logarithme de l’étendue utile des luminosités (scale index). Dd—Da est l’intervalle des densités utiles (density scale). Le noir utile maximum Ai est la max. evaluated density ; log E, est l’indice de pose des ombres (shadow exposure index).
La pente des obliques du calque est le gamma barré ɣ (bar gamma).
Remarques :
1° La densité de base 0,02 est beaucoup trop faible pour être figurative du caractère principal de l’émulsion.
2° La durée de développement imposée à 90 s pour tous les papiers est discutable.
Auteur Pierre Glafkidès
Physique et chimie photographique
Edition Paul Montel – 1967
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(6) J.H. Altman et R.M. Peden : Phot. Sci. Engng., mai 1962, pp. 130-134.
(7) Bartleson, Jenneiahn et Woodbury : JI. phot. Sci., janvier 1963, pp. 35-41.
(8) P. Glafkides : La pratique du développement des papiers photographiques, 1966, Publications Photo-Cinéma, Paul Montel, Paris.
(9) S. Ind. Phot., (2), t. 16, p. 84.
(10) W. Swift : Phot. JI., juin 1946, pp. 71-72 et Sc. Ind. Phot., novembre 1946, p. 339.
(11) C.A. Morisson : J!. Frank!. Inst., janvier 1947, pp. 55-61, et Sc. Ind. Phot., avril 1947, pp. 102-104.
(12) Le rapport des tangentes 1/10 est manifestement trop faible ; il faudrait 1/3.
(13) R. Reuther Zeits. wiss. Phot., octobre 1961, pp. 181-200.
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