Le centre de recherche de Microsoft vient de mettre au point une nouvelle technologie de capteur. Ces derniers sont incurvés et pourraient révolutionner la photographie et peut-être même son modèle économique.
Le problème
Depuis que la photographie existe, les lentilles qui équipent les objectifs posent le problème de multiples aberrations. Parmi celle-ci, la courbure de champ montre qu’une lentille ne projette pas une image plate mais légèrement incurvée. Sur un film ou un capteur qui par nature est plat, il est donc impossible d’obtenir une image parfaitement nette, à la fois au centre et sur les bords. Étant donné qu’il n’a jamais été possible de courber un film ou un capteur, la solution est arrivée par l’otique, La correction de cette aberration demandant au moins 3 lentilles.
La courbure de champ s’accentue avec l’ouverture de l’objectif. C’est la raison pour laquelle une optique de 50 mm, avec une ouverture de f/1,8 coûte dix fois moins cher que celle ayant une ouverture à f/1,2. On comprend alors les difficultés de fabrication auxquels sont confrontés les fabricants, sans pour autant régler totalement le phénomène.
Le gain de qualité obtenu via un plan incurvé est connu depuis très longtemps. Les manuels photo des années 70 en parlaient déjà. Il y a quelques années, les grands noms de la photo, Canon, Nikon, Sony ont réalisé des travaux sur ces capteurs incurvés. Travaux qui n’ont pas abouti, les capteurs n’étant pas très flexibles se brisaient avant d’avoir obtenu la courbure nécessaire.
C’est l’étape que vient de franchir le centre de recherche de Microsoft. Ils ont imaginé un système permettant de courber un capteur grâce à un procédé pneumatique, évitant ainsi les contraintes mécaniques. De plus ce procédé qui ne remet pas en question la conception du capteur, est compatible avec une industrialisation de la fabrication. L’équipe a pu fabriquer un appareil numérique prototype équipé d’un capteur incurvé pour réaliser des tests comparatifs avec un Canon 1DS Mark III équipé d’un 50 mm F/1.2, (un équipement professionnel qui représente un investissement de plusieurs milliers d’Euros). Le capteur utilisé était un modèle 1/2.3 identique à ceux qui équipent les téléphones portables.
Les résultats
Le résultat est sans appel. La qualité obtenue avec un capteur incurvé est très supérieure à un équipement professionnel :
- Une homogénéité parfaite de la luminosité sur le capteur. il perd 1% de luminosité dans les angles alors que le Canon en perd 93,5%.
- Une netteté 5 x supérieure sur les bords et 3x supérieure dans les angles.
- Un gain de résolution de 30%.
- La possibilité de fabriquer des objectifs avec une ouverture de F/1.0 ce qui augmente les possibilités de prise de vue en faible lumière.
Ce test pose malgré tout une question qui aurait pu modifier légèrement les résultats. : Y avait-il une différence dans la qualité optique de ces deux appareils ?
L’avenir
Cette avancée technologique, si elle est commercialisée, permettra la conception d’une nouvelle génération de matériels ultra performants notamment en photographie numérique. La fabrication des optiques sera beaucoup plus simple, intégrant beaucoup moins de lentille. Les appareils destinés au grand public offriraient des résultats bien supérieurs aux équipements professionnels ce qui pourraient modifier le modèle économique de la profession.
Il existe tout de même une contrainte technique importante. Un capteur incurvé ne fonctionnera qu’avec une focale fixe dédiée, car la courbure est calculée en fonction de la focale de l’objectif. On comprend que l’utilisation d’un zoom ne sera pas possible. Les appareils concernés sont les focales fixes comme le Fuji x100 ou le Leica Q ainsi que toute la gamme des smartphones.
Malgré tout, il s’agit d’une avancée majeure, la plus importante que le secteur optique de la photo ait connu. Reste à savoir quelle sera la stratégie de Microsoft face à cette (R)évolution ?
Jean-Claude ROMON
Copyright juin 2017
Sources :
– Microsoft Research Blog
– OSA Publishing
– Photocounter