Ou l’importance du contraste dans
la qualité d’une photo
Introduction
Quelle que soit son origine, argentique ou numérique,
la qualité d’une photographie répond aux mêmes exigences.
Elle ne peut pas être considérée comme réussie sur le plan esthétique si elle ne l’est pas d’abord sur le plan technique. De ce point de vue, le contraste est un élément essentiel qu’il faut absolument prendre en considération.
Pour s’en convaincre, il suffit de revenir au fondement de la photographie argentique. Citons un seul exemple, en noir et blanc, le laborantin qui doit choisir la gradation (1) du papier adaptée au contraste de son négatif.
(1) Pour cela, il dispose de 6 gradations : Extra doux – doux – spécial – normal – dur – extra dur.
Le papier extra doux sera utilisé, par exemple, pour une prise de vue au soleil avec des ombres très marquées. Le papier extra dur sera utilisé par exemple pour un paysage réalisé dans la brume.
En numérique, on peut avoir un bon sujet, avec une belle expression, une photo bien exposée, la problématique est la même. La qualité finale passe indubitablement par le contraste. Les logiciels de post-production proposent beaucoup de solutions pour le gérer. Or ces derniers offrent une telle multitude de fonctions qu’il est très difficile de s’y retrouver :
La luminosité – Le contraste – Les tons clairs – Les tons foncés – Les noirs – Les blancs
La correction du voile – La clarté – La saturation – Les courbes – Le mélange des couleurs
Toutes interfèrent d’une manière ou d’une autre sur le contraste. A l’évidence, le principal risque est de se retrouver « en perdition » avec des réglages souvent contradictoires.
N’oublions pas
les réglages les plus simples sont toujours les plus performants
Voile et contraste
Pour être plus précis, on dira que la qualité technique d’une photo provient en partie de son niveau de voile : Voile d’émulsion, voile résiduel. Ce que j’appelle, avec un terme pas très conventionnel, le voile de fond.
Mais dans un premier temps, je pense qu’il faut préciser ce qu’est un voile. On prendra donc la définition de Pierre GLAFKIDES :
Etendu au numérique, on dira qu’il provient (entre autres) de la courbe de réponse du capteur et du traitement post production. Par exemple : augmenter la densité d’un fichier ou augmenter le temps de développement d’un film négatif abouti au même résultat : Cela amplifie la densité du voile de fond.
En argentique, on parle de « voile d’émulsion »
– Sur un tirage papier: il correspond à la densité de la partie non exposée. Trop dense, il assombrit les hautes lumières. Il provient du type de papier (2) et du temps de développement.
– Sur un négatif : il correspond à la densité du support lui-même Trop dense, Il enlève de la profondeur dans les noirs. Comme pour le papier, il provient du type de film et du temps de développement. (3)
En numérique, on parle de voile résiduel ou voile fond.
– Issu du capteur : Il trouve son origine dans les conditions de prise de vue, notamment lorsqu’ils reçoivent trop ou pas assez de lumière.
– Issu de la post-production: Il trouve son origine dans un traitement du fichier Raw non adapté. Une situation très courante, compte tenu de la quantité de fonctions disponibles (voir plus haut). Augmenter la densité générale d’une photographie entraine donc une augmentation du voile.
(2) De tout temps, les fabricants comme Kodak ont essayé de fabriquer des papiers avec un “voile de fond” le plus blanc possible, Le papier Kodak Royal est réputé pour sa luminosité.
(3) Les films de faible sensibilité ont des supports beaucoup plus clairs que les films rapides et donnent de bien meilleurs résultats. En noir et blanc, il est très courant d’augmenter un temps de développement, pour gagner de la sensibilité.
Au final, la qualité d’une photo passe
indubitablement par un bon ajustement du voile résiduel.
Adobe ne s’y est pas trompé puisqu’il a apporté une solution avec la fonction “correction du voile”. Sur le plan marketing, il ne parle pas de voile résiduel mais simplifie son explication en disant que ce réglage permet de gérer la brume. Mais à y regarder de plus près, on voit que cette commande fonctionne exactement comme les gradations de papier Noir et blanc.
Pour finir, je dirais qu’une diapositive projetée sur un écran ne supporte pas le voile résiduel, tout comme en numérique, une photo affichée sur un écran ne le supporte pas non plus. Une contrainte technique dont les fabricants d’émulsions argentiques ont la charge et qui, pour le numérique, revient aux photographes via les logiciels de post-production.
Outils et procédure
Il est tout à fait possible de mesurer le niveau du voile.
Pour l’argentique, c’est un peu compliqué. En théorie, cela s’effectue avec une courbe sensitométrique et (ou) avec un densitomètre. En pratique, pour le noir et blanc, cela se gère à l’œil, en adaptant les conditions de développement. Pour la couleur, comme il est impossible de modifier le traitement, c’est donc du ressort exclusivement des fabricants via la fabrication des films et papiers.
Pour le numérique, c’est beaucoup plus simple puisque la densité du voile se mesure sur la courbe, ici représenté par le trait bleu. On peut dire que chaque photo a un voile de fond qui lui est propre. Le numérique permet de le traiter individuellement.
Disons le tout de suite, une gestion correcte des voiles n’est possible qu’avec le format Raw. (le négatif du numérique). L’ajustement des voiles va se faire en fin de procédure, cette dernière permettant d’ajuster les éléments de base : Cadrage, température de couleur, luminosité, ajustement des demi teintes.
Compte tenu du nombre important de fonctions intervenant sur le contraste, Il est impératif de faire le tri entre celles destinées au réglages généraux et celles destinées à la gestion des voiles.
Réglage généraux
Le Cadrage doit toujours se faire avant toute intervention pour une raison très simple : un cadrage modifie le positionnement de la courbe, celle-ci étant le reflet structurel du fichier.
La luminosité, les tons clairs, les tons foncés :vont permettre de travailler la photo elle même. Ajustement de la luminosité et réglage des équilibres entre les différentes tonalités de la photo.
Je n’aborde pas ici la balance des blancs qui doit se faire en tout premier. Ce n’est pas l’objet du post
Réglage des voiles de fond
Quatre fonctions vont être réservés pour ce travail : 2 pour gérer les blancs et 2 autres pour les noirs
Les courbes : La fonction que je préfère, je pense que c’est la plus simple à utiliser comme on le verra dans les exemples ci-dessous. (Correspond au voile d’émulsion d’un papier argentique)
Le curseur « blancs » : Peut être utilisé à la place de la courbe, mais avec beaucoup moins de précision.
La correction du voile : Le seul outil qui permet d’enlever le voile général. Il donne aussi de la profondeur dans les noirs. (Correspond au voile d’émulsion du film négatif)
Le curseur « noirs » : Intervient sur les noirs, mais n’enlève pas le voile – Utile s’il n’y en pas.
Les autres fonctions
Le mélange des couleurs : La luminance et la saturation améliorent le contraste de manière subtile en travaillant sur les couleurs. L’œil ne perçoit pas la même densité pour les différentes couleurs. Par exemple le rouge apparait plus dense que le jaune. Cette fonction permet d’ajuster les densités et donc le contraste.
La clarté : modifie aussi un contraste tout en améliorant la netteté.
Quelques mots sur la fonction “Contraste”
Personnellement, je vous déconseille fortement cet outil. La fonction contraste “étire” l’ensemble de la gamme des couleurs. Il agit bien sûr sur les extrêmes, mais aussi sur toutes les autres demi-teintes. Le risque ? un contraste qui ne correspond plus à la réalité. Si toutefois vous décidez de l’utiliser, sachez que tous les autres réglages seront en contradiction avec cette fonction. A n’utiliser que sur une photo qui ne demande que très peu de retouche. C’est un réglage arbitraire, peu précis, qui n’a qu’un seul intérêt : être rapide.
Les exemples
Au delà de l’aspect théorie, le plus simple est d’aborder le coté pratique à travers plusieurs exemples.
Exemple N° 1
Ce premier exemple est assez simple à travailler. La photo d’origine reste bien exposée mais un peu terne. La plupart du temps, les photographes interviendront sur les diverses fonctions classiques qui sont La luminosité – Le contraste – Les tons clairs – Les tons foncés – Les noirs – Les blancs
Or nous sommes ici dans l’exemple même où le problème de qualité vient du voile fond. Il est donc inutile d’intervenir sur les fonctions citées ci-dessus (hormis la luminosité) mais plutôt sur la courbe, la correction du voile et la luminance d’une couleurs. La procédure est donc la suivante :
Préalable au réglage du contraste
- Le cadrage de la photo : il faut effectuer en priorité le cadrage pour éliminer toutes les zones qui pourrait interagir sur l’aspect général
- (N°1) La température de couleurs : Ce réglage se fait toujours au début : ici la balance des blancs est modifiée de 5350 à 5500
- (N°2) La luminosité : Toujours par ordre de priorité juste après la balance des blancs. Ici on éclaircit légèrement la photo avec une valeur de +20
Réglage du voile de fond et du contraste
- (3) La courbe : Il faut toujours commencer par enlever la densité du voile de fond des hautes lumières. Personnellement, je trouve qu’il est beaucoup plus simple d’utiliser la courbe, beaucoup plus précise que le curseur « blancs ». Il faut commencer par sélectionner l’option « courbe à points ». C’est le « rond gris » situé en haut de la fenêtre.
La distance entre le pied de la courbe et le bord droit constitue la densité du voile de fond. Pour le supprimer il suffit de déplacer la diagonale vers la gauche, la valeur « sortie » devant toujours être à 255. - (4) La correction du voile : C’est cette fonction va enlever le voile des basses lumières et donner de la profondeur dans les noirs.
- (5) La luminance de la couleur :Pour finir, on pourra améliorer le contraste général de la photo sans toucher au sujet, en intervenant sur une couleur, ici le vert. Ici la luminance réglée à +61 éclaircit fortement le fond, ce qui met du relief dans la photo.
La courbe et la correction du voile sont donc deux fonctions incontournables
dans un travail de post production et pourtant souvent ignorer
Exemple N° 2
Ici on notera un contraste excessif avec une absence de détails dans les blancs et les noirs. Il va falloir augmenter la densité des hautes lumière ce qui va inévitablement faire monter ce voile. Le processus est le même que celui décrit ci-dessus et s’établir en 6 étapes décrites ci-dessous :
Préalable au réglage du contraste
- (N°1) La température de couleurs : Réglage prioritaire classique : la balance des blancs est modifiée à 5500
- (N°2) La luminosité : Il va falloir descendre la densité de la photo pour retrouver des détails dans les noirs. Ici, je place le curseur à +0,60.(j’aurais pu choisir de diminuer les tons foncés)
- (N°3) Les tons clairs : diminuer la luminosité générale a pour conséquence d’éclaircir aussi les hautes lumières déjà très saturées. . Il faut donc les compenser au maximum avec une valeurs à – 99. Evidement cette action fait remonter le voile avec pour conséquence une photo terne.
Tout le problème maintenant est de mesurer la densité du voile de fond afin de le compenser sans perdre de détail La fonction la simple et la plus précise est la courbe.
Réglage du voile de fond et du contraste
- (4) La courbe :Le graphique nous montre que l’on dispose de très peu de marge pour ramener la diagonale au pied de la courbe. Le problème n’est pas complètement réglé. (attention de bien sélectionner le ‘rond gris »)
- (5) La correction du voile : Une fois de plus la solution ne passera que par cette fonction avec une valeur à +20. (Merci Adobe de l’avoir créé)
- (6) La luminance de la couleur :Pour finir, on améliorera le contraste en en baissant la densité du jaune et de l’orange (situé dans l’arrière plan) avec une valeur à +15
On remarquera qu’une gestion correcte du voile de fond améliore
très nettement la netteté de la photo et l’éclat des couleurs
Exemple N° 3
Cette dernière photo n’est pas très originale. Par contre elle est très intéressante sur le plan technique. En effet on voit ici que la densité du voile de fond correspond exactement à la densité de l’écume. Cette photo démontre l’importance du traitement des voiles résiduels. Par ailleurs les ombres du rocher sont très denses et enlèvent du détail. Nous allons voir que le traitement de cette photo est ultra simple et va se faire en seulement 4 étapes :
Préalable au réglage du contraste
- (N°1) La luminosité : La première chose à faire est de baisser la densité générale. Le curseur est placé à +55 ce qui permet de d’éclaircir les ombres des rochers
- (N°2) Les tons clairs : On se retrouve un peu dans la même situation que dans l’exemple 2. Il faut augmenter la valeur des tons clairs de l’écume. Je rappelle que les tons clairs correspondent aux demi teintes et non au blanc. Cela permet de créer un contraste dans l’écume. Mais c’est loin d’être suffisant.
Réglage du voile de fond et du contraste
Le problème, qui se pose ici, est que je n’ai aucune possibilité de supprimer le voile de fond avec la courbe (3). Le pied de celle-ci arrive au bord de la fenêtre. La densité de ce voile est très importante, sa suppression est une absolu nécessité sauf que j’ai aucune solution via les réglages classiques :La luminosité – Le contraste – Les tons clairs – Les tons foncés – Les noirs – Les blancs.
On voit ici la précision que nous apporte la fonction « Courbe ». J’aurais pu utiliser le curseur « blanc » pour faire ce travail, mais moins précis, certains détails de l’écume auraient été supprimés, alors qu’ils constituent tout l’intérêt de cette photo.
- (5) La correction du voile : La seule solution réside dans cette fonction avec un réglage important à + 60 . Le résultat est incontestable.
- (6) La luminance et la saturation : Pour finir, on améliorera un peu l’ensemble en saturant le bleu de la mer et en baissant sa densité (+ 40 en saturation et +40 en luminance)
Conclusion
Comme on vient de le démontrer dans cette formation, la suppression des voiles résiduels, en argentique tout comme en numérique, constituent la base de tout traitement post production. Tout ceux qui ont passé un CAP photo le savent bien, une erreur dans le choix de la gradation d’un papier va engendre un défaut de contraste sur le tirage et peut avoir un effet éliminatoire à l’examen.
Nul doute que le rappel de ces règles, hyper simples mais fondamentales, permettra à beaucoup de photographes d’éviter de se retrouver en perdition avec des réglages souvent contradictoires
Jean-Claude ROMON
– Continuer avec la formation –
La notion de sous exposition et sur exposition existe-t-elle vraiment en photo numérique ?